12/2006

« Toutes les sexualités font partie d'une même famille: l'instinct. » a écrit Julien Green, diariste et auteur siégeant à l’Académie française. En ce début de XXIème siècle, l’instinct semble se développer sensiblement dans des lieux aussi bien universitaires qu’underground. La grande et vaste question de l’identité sexuelle se pose et se repose. Bien plus qu’une tentative de répertorier les genres, la pensée engendrée par ce phénomène de représentation perpétuelle des préférences sexuelles élabore une véritable théorie. La théorie Queer.

Jusque là, nous avions connaissance de deux genres, le masculin et le féminin, mais en voici un nouveau : le trans-genre. Soit.

Mais à ceci est associé de nouvelles pratiques sexuelles ! Nous connaissions l’hétérosexualité et l’homosexualité, apparaît alors la bisexualité, et même la sexualité libre, sans étiquettes. C’est ce que revendique le mouvement Queer : l’abolition totale des étiquettes.

A l’heure de la sur-médiatisation  de la moindre revendication, que pense le Personnage social, le peuple, de ce qui se développe inopinément sous ses yeux ?

N’est-il toujours réceptif qu’aux affirmations de Freud : «  Ce qui caractérise toutes les perversions, c'est qu'elles méconnaissent le but essentiel de la sexualité, c'est-à-dire la procréation. » Ou bien est-il plus réaliste et s’avoue sans honte comme Marcel Proust « qu’il n'y avait pas d'anormaux quand l'homosexualité était la norme».

           

Les « gender-studies » :

En tant qu’individu, nous sommes clairement catalogués dans l’un ou l’autre des deux genres : dés la naissance nous appartenons au groupe des femmes ou au groupe des hommes. Il s’agit là d’une frontière bien délimitée qui ne peut voir sa règle changer… du moins jusqu’à l’apparition de la théorie Queer.

Bien entendu, c’est la nature qui choisie notre attribut : sexe masculin ou féminin et nous agissons en conséquence. Mais la sexualité a ses raisons que la raison ignore. Et que l'on soit homosexuel ou hétérosexuel ne change rien à ce sentiment d'appartenance à l'un ou l'autre genre biologique.

Cependant, "les genres sexuels sont des constructions sociales et culturelles aux limites pour le moins floues". La théorie Queer élaborée par les deux théoriciennes américaines Teresa de Laurentis et Judith Butler revendique la liberté d'être soit-même sans contrainte sociale de genre.

Gender-studies, est le terme à l’origine même du mouvement et de la théorie Queer. « Sexual and gender studies »  est une discipline universitaire aux Etats-Unis, qui s'appuie, entre autre, sur les travaux des philosophes structuralistes Gilles Deleuze et Michel Foucault.

La théorie met en tension notre genre sexuel, féminin ou masculin, et notre sexe biologique, male ou femelle : ils ne coïncident pas toujours.

Le mouvement Queer se propose de recueillir les personnes qui ne se reconnaissent pas dans cette classification des genres. En Europe,  Marie-Hélène Bourcier et Béatriz Préciado constituent la pensée philosophique et sociologique avec des ouvrages devenue presque de référence. Dans une vision radicale et utopique du mouvement Queer, elles proposent l’utilisation d’un nouveau langage afin de régler une fois pour toute la question du genre qui tend à mettre mal à l’aise de plus en plus d’individus. Le but de cette théorie est donc d’abolire les différenciations sexuelles au profit de quelque chose de nouveau, une sorte de non-genre.

« Queer/transgender » :

Une personne transgenre transcende littéralement le genre, c’est à dire qu’elle a une idée différente de la sexualité.  Il ne s’agit pas de choisir une voie ou l’autre mais simplement de ne pas se situer sexuellement du tout, y accorder une importance moindre. Ainsi, l'individu queer est un mutant, ni homme, ni femme. Et le queer plait indifféremment à l’un et à l’autre sexe.

L’indifférenciation entre sexes se retrouve dans les rapports hétérosexuels et homosexuels. Un  homme qui se sent femme a le fantasme parfois réalisé de devenir physiquement un femme. La technologie et la science permettent aujourd’hui d’user d’artifices plus ou moins de bon goût pour simuler un sexe masculin ou féminin.

Le transgenre est un cyborg, emblème métaphorique d'un avenir ouvert aux ambiguïtés et aux différences, par la réunion dans un même corps de l'organique et du mécanique, de la nature et de la culture.

Nous sommes aujourd’hui tous des cyborgs en puissance à mesure que les outils mécaniques font partie intégrante du corps humain.

Queer et vision artistique :

L'impact de ces théories sur le monde artistique, où la liberté de l'individu est une donnée importante, est considérable. Gay, lesbien, transgenre, chaque choix de vie est aujourd’hui présent dans les manifestations artistiques. La théorie Queer fait des émules : les artistes contemporains revendiquent leur appartenance au non-genre, en long, en large et même en travers.

Le fétichisme est un thème récurrent des créations artistiques Queer. Les artistes, au sens large du terme, se sont trouvé un personnage pour incarner ces tendances passionnelles  : la créature. Le latex, le vinyle et le cuir se mêlent avec des sons de la scène techno et éléctro.

La créature est un parti-pris entre le Drag Queen et l’individu génétiquement modifiées à l'image de Marilyn Manson qui pose les cuisses écartées sans les attributs masculins qui devraient s'y trouver.

Le piercing est aussi une pratique connotée sexuelle, associée au phénomène Queer. Evoquant la pénétration autant que la modification du corps pour aller encore plus vers un non-genre, elle est très appréciée des individus libérés. On la retrouve dans des actes sado-masochistes, aux côtés de pratiques plus ou moins barbares comme la flagellation, la domination et la soumission, le stretching ou le

fist-fucking. Mais tout cela reste dans le cadre de l'intimité puisque l'aspect sexuel n'est pas le plus important dans la culture et l'imaginaire du Transgender.



Le Queer est un mouvement de la pensée avant tout : bien plus social et revendicatif que sexuel. Nos codes sociaux sont remis en question par la théorie Queer, elle-même qui tente de flexibiliser et rendre obsolètes les catégories de genre, d’identité sexuelle.

La théorie Queer propose aux individus en quête de non-identité sexuelle une vision utopique de la liberté de genre, un idéalisme quasi-inaccessible qui éveille en nous quelques fantasmes instinctifs qu’il est nécessaire de ne pas oublier pour savoir où est notre place dans la société contemporaine.